Entre ciment et piments
Entre Nord et Pays Basque, un enfant se souvient
Je partais de Lille, HLM gris collé aux nuages,
Paris m’avale, Austerlitz crache sa vapeur,
et Bayonne m’offrait son ciel déchiré d’orages,
mon oncle, ses mains calleuses et mon cœur en sueur.
« Parigo ! » riaient les gars quand je soulevais mal
les sacs de ciment, dos courbé sous l’été.
Mais j’ai signé un mur d’une croix basque, égal
aux hommes – mon nom dans le béton frais sculpté.
Tante me lançait : « Allez, gars, les œufs ! Les vaches ! »
J’ai conduit le tracteur, fourchu le foin doré,
et le soir, la garbure, le pain trempé de gras,
les voix mêlées d’accent nordiste et béarnais.
Balais de lumière dans les champs noirs,
la fourche au poing, la lune en bandoulière.
Puis l’omelette aux piments, les rires, l’espoir
qui sentait la sueur et la terre première.
Le cyclomoteur de tante, Saint-Palais en roue libre,
les virages avalés comme du pain brûlé.
J’étais roi des routes, gamin insoumis,
loin des cités, presque un Basque enraciné.
Lille m’a repris, mais dans ma bouche restaient
les mots roulés comme des galets.
Père grondait : « Parle donc droit ! » –
Et sous la touche du Nord, germait déjà l’exil secret.
Cinquante ans plus tard, je retrouve la terre
où le ciment et le foin m’ont façonné.
Saint-Palais cligne sous le même mystère,
je suis l’enfant qui n’est jamais parti.
Entre Lille et Saint-Palais, entre HLM gris et champs dorés,
l’histoire d’un enfant du Nord devenu un peu Basque
🌶️ Entre ciment et piments 🌶️
Cinquante ans plus tard, les souvenirs demeurent
Lille • Paris • Bayonne • Saint-Palais
— Alain H.
